Avignon - Le bassin nautique
23 novembre 2021
On peut se demander pourquoi une telle visite ? les adhérents sont amateurs d’arts. Dans une piscine municipale destinée à faire « barboter la population d’une ville » où peut donc se situer une « œuvre » ? L’architecture du xx°siècle, son béton brut et ses formes ovalisées sont un témoignage d’une époque où un matériau (le béton justement) a permis aux constructeurs des audaces dans les formes et les équipements. Le stade nautique est un exemple parfait des innovations « débridées » que des architectes ont voulu, pour se « libérer » des reconstructions hâtives et fonctionnelles d’après-guerre qui s’étaient avérées indispensables dans les quartiers extra-muros détruits par les bombardements.
D’autre part, la majorité des membres des « amis du Musée louis Vouland » n’est pas d’Avignon. Vous avez choisi la ville pour des raisons de climat, de passé fabuleux, et de culture. Par l’intermédiaire de Julien Guibert, chef du département « Architecture et patrimoine » de la mairie d’Avignon, vous faire découvrir un quartier (celui de Saint Chamand) avec des aspects sociaux difficiles, une ambiance de densité de population forte et économiquement défavorisée (94 % de logements sociaux), c’est vous conduire à une réflexion sur le fait qu’Avignon est une ville « pauvre », et qu’elle tente avec peu de moyens financiers, d’offrir, aux nombreux cas sociaux (dont aucune commune -Les Angles, Villeneuve Lès Avignon, Morières, etc..- alentour ne veut !!!) un moyen d’évasion par le sport…Et par la qualité de ses infrastructures et de ses transports en commun de déghettoïser le quartier, en attirant tous les sportifs de la ville par exemple.
Le quartier de Saint Chamand est né dans les années « 1960 », le marché-gare international a été implanté en premier, au milieu de terres agricoles riches et exploitées de père en fils. C’était un « petit Rungis » qui traitait « tous les fruits et légumes de Vaucluse » en partance pour l’Europe… Le marché commun, les produits espagnols ont mis à mal les cultures maraîchères de notre département… A cette époque-là, la commune est riche, le maire, Henri Duffaut, veut offrir aux habitants du nouveau quartier qui voit « pousser » des tours (2200 habitants) des équipements sportifs modernes et pouvant accueillir un grand nombre de participants. Les aides de l’état lui permettent de voir « grand ».
Deux architectes, un local : Albert Conil et un réputé dans tout l’hexagone : André Rémondet, conçoivent un parc des sports aux formes futuristes sur 13 hectares. Un stade pouvant accueillir 14 000 spectateurs, une piste d’athlétisme, des terrains de sports et un stade nautique « olympique » qui va devenir une immense sculpture, un drôle de monument « attachant », une énorme fleur de béton. Mélange de symétrie, -avec des gradins, un mur courbe et ses ouvertures ovales qui rappellent celles qui avaient été crées pour nos avions caravelles et qui avaient eu un succès fou chez tous les avionneurs mondiaux- et de classicisme avec son escalier « Chambord » très emberlificoté. Le plongeoir, petit chef d’œuvre structurel d’un ingénieur local, ressemblait au grand mat d’un immense navire.
Combien de petits avignonnais ont appris à nager dans ce stade nautique durant ses 50 années de bons et loyaux services ? Combien d’heures de loisirs ont été offertes aux citoyens ? Force est de constater que si les structures sont solides, les équipements peu entretenus pendant les 5 décennies sont devenus obsolètes, économiquement « ruineux » et ne respectant plus les normes imposées pour l’accueil du public et pour les obligations éco-responsables. Malgré son classement comme « monument remarquable du 20°siècle », il a été fermé en 2010.
En novembre 2018, les travaux de réhabilitation commencent. Coût : 18.4 millions (la ville prend à sa charge 11 540 millions d’euros). 17 mois de travaux avec 100 000 heures de travail (dont 3 000 d’insertion avec des entreprises locales) qui ont fait intervenir 30 corps de métiers différents.
Le projet avait pour objectif de ne pas créer de construction nouvelle et de ne pas dénaturer le parti initial.
Six dispositifs ont été conçus pour souligner et mettre en valeur le « monolithe » du voile courbe de béton brut :
- fermeture de l’escalier
- Création d’un auvent d’accueil
- couronnement du mur elliptique par des lames anti-mistral
- couverture des gradins pour l’installation de panneaux solaires et isoler le bâtiment
- ouverture de 2 patios pour éclairer les locaux du rez-de chaussée.
- rénovation des locaux techniques que nous avons eu le bonheur de visiter avec Thierry Guimard, (passionné par son job) : le référent « piscines » de la ville. Le système de filtration en continu, composé de 4 cuves avec des filtres à diatomé engendrant 30 à 40l d’économie d’eau par nageur –(dès qu’un nageur entre dans une piscine, il consomme entre 120 l et 80 litres d’eau !!!)
Nous avons vu 3 bassins implantés dans un décor de rêve, le bassin olympique chauffé (29°) toute l’année bénéficie de toutes les technologies de pointe (bassin de débordement avec implantation d’une goulotte « finlandaise » permet de récupérer l’eau, la filtrer et la remettre en circuit), le bassin ludique est dessiné en 4 zones, pataugeoire, bassin à vagues, rivière à courant, et coin de relaxation. Le bassin de plongeon a été conservé mais le magnifique plongeoir en béton n’est plus dans les normes, il est le totem, le point de ralliement, le témoin de 2 époques…
Je pense que l’ensemble de notre groupe a été conquis par la pureté des formes, l’harmonie des lieux, la qualité des études qui ont précédé la réhabilitation et la réussite d’une réalisation exemplaire pour en faire un témoin du début du 21 ° siècle.
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