Avignon insolite
22 novembre 2022
Matinée
Le froid vif, n’a pas découragé les 25 personnes désireuses de découvrir la cité papale sous un autre angle que celui traditionnel du palais des papes, des remparts, et du pont saint Bénézet.
Cette visite proposée par monsieur Stéphane Jordan (Chargé de Mission Patrimoine au département de la Culture de la direction de l’Action Culturelle et Patrimoniale de la mairie d’Avignon) a commencé par la découverte d’un lieu cent fois vu et revu sur la place des Corps Saints, sans qu’on en sache beaucoup sur lui mis à part son nom… L’église et son cloître des Célestins…
Ils furent érigés en l’honneur d’un saint homme, évêque à 18 ans et mort à 20, : Pierre de Luxembourg, enterré dans le cimetière saint Michel, cimetière des pauvres (à l’extérieur du périmètre urbain de la ville, du temps des papes). Quelques siècles plus tard on déplaça un autre saint qui reposait à l‘ombre de son pont : Bénézet. (d’où le nom de la place actuelle : des Corps Saints). Pierre de Luxembourg, issu d’une riche et noble famille était inspiré par la parole du Christ et fut à l’origine de nombreux miracles…après sa mort
… Le cimetière attira, alors, tous les nobles qui voulaient se « mettre » en « honneur de sainteté » pour leur dernière demeure et la construction d’une somptueuse église et d’un cloître fut une lutte « d’influence » entre le pape (période du grand schisme) et le roi de France… qui ne fut jamais tout à fait terminée… Les 2 édifices furent très détériorés lors de l’annexion du comtat Venaissin à la France. (Les révolutionnaires eurent de quoi se défouler sur les multiples églises et les milliers de statues saintes qui pullulaient dans la ville !!!!) les reliques des 2 saints furent « sauvées» : elles reposent désormais dans l’église Saint Didier toute proche.
Le portail d'entrée du cloître inclut un bas-relief figurant le fondateur de l'Ordre, saint Pierre Célestin, en train de rejeter les attributs de la papauté sous l'inspiration divine. Au-dessus, un large médaillon porte plusieurs symboles de la royauté française (fleurs de lys, mais aussi colliers du Saint-Esprit et de Saint-Michel, couronne fermée), représentation très rare à Avignon.
Ce vaste « domaine » qui occupait une surface considérable de jardins et vergers devient caserne puis hôpital militaire (annexe des « Invalides » Parisiens) ….
Napoléon III, lors d’une visite à Avignon autorise la construction de casernes, en particulier celle qui deviendra l’actuelle cité administrative et qui est construite sur un jardin d’Eden qui disparaît à jamais… La ville reconnaissante pour l’autorisation et l’implantation de ces constructions militaires ( ??? !!!) érige, en l’honneur du « grand homme » (que le père Hugo qualifiait de « petit ») des « aigles impériaux » aux 4 angles des toits de l’édifice… quand la défaite de Sedan survient, on descend ces symboles de pierre ailés, ils « gisent » désormais au pied des pneus de voitures de fonction des employés de l‘état.
Visite du Cloître saint Louis qui fut à l’origine et longtemps un hospice… beauté et harmonie….
Passage devant l’hôtel du sulfureux marquis de Sade et en face sur un mur : galerie de tableaux des papes Avignonnais ….
En chemin, sur la jolie petite place de Lunel, que magnifie un platane centenaire, une inscription sur le mur d’une maison en pierres dorées « place aux fils »… Si on porte notre attention sur ce genre d’inscriptions, on notera que toutes les places avaient un marché spécifique… IL suffit de lever le nez pour retrouver ces témoignages de l’activité économique de la ville….
Nous sommes maintenant dans la rue Joseph Vernet… les murs du collège sont troués par des impacts de balles : Le 9 août 1944, les bombardiers américains lâchent en centre-ville des bombes à fragmentation qui font des ravages parmi la population. (600 morts, un millier de blessés et des quartiers entiers détruits entre mai et aout 1944) : les vieux avignonnais qui ont connu cette époque ne sont pas tendres dans leur critique … Les Américains qui bombardaient les villes françaises pour détruire les points stratégiques en vue du débarquement étaient les mêmes que ceux qui bombardaient les villes allemandes, ils n’avaient pas d’état d’âme (un exemple : quand ils visaient les rotondes sur la rte de Marseille, ils larguaient leurs bombes sur les halles !!!) … ils larguaient leurs bombes à une hauteur qui leur assurait de ne prendre aucun risque…Le pont suspendu visé le 9 août, est précipité dans le Rhône par un bombardement anglais. Les pilotes anglais, eux, qui connaissaient les ravages des bombardements sur Londres… descendaient au plus bas et leurs cibles étaient toujours atteintes sans grands dommages collatéraux…
Dans cette même rue, Napoléon qui n’était encore qu’un Bonaparte désargenté vécut dans une petite chambre : il y écrivit le « souper de Beaucaire » (clairvoyance et fulgurance dans ses jugements sur la situation du pays en quelques pages), il prit ses repas au café Baretta sur la place st Didier et quitta Avignon en y laissant une ardoise !!!
Dans la rue Fusterie (parallèle à la rue Joseph Vernet)… nous plongeons quasiment dans le Rhône qui avait, à l’époque gréco-romaine, « pignon » sur ces rues des « fustiers » (= charpentiers)… Les troncs de bois qui descendaient le fleuve étaient livrés quasiment à domicile… une série de portiques, solides, costauds en attestent, il suffit d’entrer dans l’une des demeures de la rue fusterie pour les voir soutenir les étages des maisons cossues à multiples étages….Monsieur Jordan avait une clé et nous en avons vu un…Etonnement d’apprendre qu’ils sont nombreux ces vestiges de portiques romains !!!
100 mètres de marche et nous sommes devant une bâtisse où les ferronneries présentent des volutes de parachutes ( ???) Que nenni !!! les frères de Montgolfier qui exerçaient leur métier de papetiers à Fontaine de Vaucluse y habitèrent et au hasard d’une soirée fraîche où le mistral attisait les flammes de la cheminée et où traînaient pas très loin d’elle, des papiers qui se soulevèrent sous l’effet de la chaleur…Et ces 2 génies devant cette démonstration, inventèrent les ballons : les montgolfières !!!
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Nous terminerons ce voyage « en événements inconnus dans cette ville connue » par une anecdote sur la place Carnot…. Et son horloge…. Lorsque la place fut créée …on décida de l’embellir par une belle fontaine … au beau milieu de laquelle une nymphe nue jouait avec des oiseaux qui voletaient autour d’elle… Courroux du curé de la basilique saint Pierre qui ne voulait pas que les paroissiens passent devant, avant de venir faire leurs dévotions dans son église…. Il paraît que les registres municipaux relatent avec des détails très « pagnolesques » les affrontements des « pour » et des « contres » … le curé gagna…et la fontaine de la nymphe aux oiseaux ne fait désormais qu’un avec le jardin du rocher des Doms… une horloge, sur la place l’a remplacée !!!
Repas insolite aussi …. Au Riad… tajine et couscous. Cornes de gazelle et thé à la menthe…
après-midi
monsieur Jordan nous ouvre exceptionnellement la Chapelle des Ortolans… Cette dernière est très décrépie et a besoin d’énormes réparations… Toutefois, ce fut l’une des plus belles d’Avignon… témoignage de la vie monastique d’une quinzaine de religieuses Bénédictines venues du Puy en Velay en 1637, dévotion à la vierge Marie et mission d’enseignement gratuit aux jeunes filles. Abandon après la révolution, reprise par une loge maçonnique jusqu’au début du 20 ème siècle, elle va faire l’objet de travaux de réhabilitation très bientôt…. Pour la voir …… allez sur :
https://www.avignonlacitemariale.com/chapelle-des-ortolans
Pour poursuivre l’histoire de Bénézet et Pierre de Luxembourg chassés par la révolution de l’église des Célestins et de la place des corps saints, (explications du matin) petite visite à l’église saint Didier pour y voir les chapelles où sont entreposées leurs reliques….
L’église mériterait une visite de 3 heures au moins… un jour peut-être ….
Pour finir dans l’insolite, nous nous dirigeons dans la rue de la Masse, où l’hôtel particulier de Salvador (puis de Lauris), construit en 1718, en partie par Jean Baptiste Franque ( son escalier suspendu fut le premier ainsi construit dans la ville) sous la direction de l’architecte Péru et avec l’aide du ferronnier Allemand de Carpentras… cet hôtel particulier héberge en ses murs un surprenant collectionneur Florentin : Pasquali Giacopo. Ce dernier a décidé, il y a une quinzaine d’années de quitter la belle Toscane pour s’installer dans notre ville, entouré des collections familiales : séries de peintures italiennes des 17, 18 et 19 èmes siècles, de « pastoris » (santons napolitains) et collections chinoises qui nous a rendus « jaloux » …. Elles seraient si bien en exposition dans le musée Vouland !!!
des bémols toutefois, nous aurions dû nous séparer en 4 groupes pour pouvoir mieux les admirer (salles petites)…. Mais merci beaucoup à ce sympathique « amateur » d’art de nous avoir ouvert ses portes….
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