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Marseille - Mucem: exposition Giono

GIONO, LE REVOLTE

Jean Giono ? Oui, je connais ! On a lu Colline ou Regain, on a vu les films de Pagnol, on a lu L'Homme qui plantait des arbres avec ses enfants et/ou petits-enfants, on a vibré avec le Hussard (sur le toit) à cheval dans le film de Jean-Paul Rappeneau, et on pense connaître Giono.

D'où notre surprise et notre effarement en pénétrant dans l'exposition par un sombre tunnel où nous nous trouvons brutalement plongés dans les tranchées de 1914-1918, environnés de masques grimaçants de cadavres dessinés par Otto Dix et de masques à gaz … Au secours ! Où est le beau ciel bleu idyllique de notre chère Provence et ses braves paysans …

Nous avons cru connaître Giono et nous découvrons l'empreinte irréversible des tranchées de la guerre sur un jeune homme de 20 ans, déjà poète, déjà passionné par la littérature, mais qui fait là une expérience initiatique qui le marquera à vie, comme elle a marqué tous ceux qui en ont réchappé. On a pu dire : l'écrivain Giono est né dans les tranchées.

Toute sa jeunesse il luttera contre la guerre, toutes les guerres, et prônera le pacifisme envers et contre tous, jusqu'à l'aveuglement ?

Cette installation artistique initiatique est due à Jean-Jacques Lebel.

Encore tout secoué par les tranchées, on arrive direct en enfer dans un espace environné par les toiles de Bernard Buffet, un ami de Giono, sur le thème de l'Enfer de Dante... une évocation inspirée par le texte terrible de Dante et qui n'est pas moins terrible que le texte à travers la lecture graphique qu'en fait Bernard Buffet.

Enfin l'espoir renaît : une immense œuvre en plusieurs panneaux évoquant de façon non-figurative les hauts-plateaux de la Provence de la montagne. Cette œuvre apaisante est due à Thu Van Tran. Puis des dialogues enregistrés qui nous rappellent quelque chose … oui ce sont des extraits des films de Pagnol présentés dans les salles suivantes, adaptations plus ou moins fidèles des romans de Giono.

Enfin on recommence à respirer normalement, enfin voilà des manuscrits sous vitrines, des photos anciennes, des affiches colorées invitant au cinéma, des peintures apaisées conformes à l'idée que nous nous faisions de la Provence d'en haut, grâce aux œuvres des peintres amis de Giono : son grand ami de toute sa vie, Lucien Jacques, Yves Brayer, Pierre Ambrogiani, Jean Carzou ou Pierre Parsus, et d'autres.

Partout les textes envahissent l'espace : manuscrits et carnets de travail, Journal de l'Occupation, scénarios de films, etc … et une magnifique bibliothèque reconstituée par l'artiste Clémentine Mélois, comme étant celle de Giono dans sa maison Lou Paraïs à Manosque. Toute sa vie Giono a beaucoup lu, depuis les auteurs de l'Antiquité jusqu'aux contemporains, y compris les auteurs étrangers (n'a-t-il pas lui-même traduit Moby Dick d'Herman Melville ).

Outre les manuscrits, présentés pour la première fois en quasi-totalité, on trouve : archives familiales et administratives, correspondances, reportages photographiques, éditions originales, entretiens filmés, adaptations cinématographiques de son œuvre par Marcel Pagnol et Jean-Paul Rappeneau, les peintures naïves du mystérieux Charles-Frédéric Brun qui lui inspira Le Déserteur, etc .

La douloureuse accusation de « collaboration » pendant la guerre est abordée de front, avec arguments pour et contre. Giono n’a jamais prôné la collaboration et n’a pas eu de rapports directs avec les Allemands qui occupaient la France, mais il a accepté la parution d’un de ses romans en feuilleton dans un journal pro-allemand : maladresse ou nécessité alimentaire ?

Cette impressionnante exposition est l’œuvre de la commissaire Emmanuelle Lambert, avec l’aide de Jacques Mény, président des Amis de Giono. Le catalogue rassemble des contributions d’écrivains prestigieux : JMG Le Clézio, Sylvie Germain, Alice Ferney, Philippe Claudel, et al. Jacques Mény donne la trame détaillée de la vie et l’œuvre de Giono.

Loin de l’image simplifiée de l’écrivain « provençal », terme réfuté par Giono lui-même, cette exposition rend toute sa noirceur et son universalité à l’œuvre. Giono s’est autant attaché à décrire la profondeur du Mal qu’à en trouver les antidotes : création, travail, pacifisme, amitié des peintres, refuge dans la nature, évasion dans l’imaginaire.

Une formidable invite à lire, relire, découvrir l’œuvre dans son ensemble !

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